TRADUCTION D'UN ARTICLE DU "NEW YORK TIMES" DU DIMANCHE 17 MAI 92

CHEZ VOUS, AU COEUR DE LA BOURGOGNE

 

Une semaine en gîte, une fermette autonome permet de vivre à la campagne à bon marché. Mon dictionnaire Français dit que le mot "gîte" peut signifier quantité de choses, même un quartier de viande. Mais au niveau du tourisme, il signifie une fermette ou un appartement autonome.

Il y a des gîtes partout en France, presque tous à la campagne ou dans des petits villages. Ce n'est pas le grand chic; le chauffage, par exemple, est rarement le chauffage central, mais plutôt au bois, que ce soit dans les cheminées ou dans les poêles, avec chauffage électrique dans les chambres. Mais ils comportent des meubles rustiques, eau chaude et froide courantes, des cuisines bien équipées, salles de bains (habituellement une seule par gîte) et de une à quatre chambres.

D'habitude, le gîte est la propriété d'un villageois qui habite à proximité, donc si quelque chose ne marche pas, son aide est à portée de main, et ils ne sont pas chers. Vous aurez sans doute besoin d'une voiture pour les courses et pour explorer les environs de la région. Mais quand vous considérez que 4 ou 5 personnes, et même plus, peuvent partager confortablement un seul gîte, c'est sûr que la location d'un gîte est une formule bon marché pour passer d'agréables vacances en France.

Mon ami et moi avions loué un gîte dans le hameau de Toulongeon, à 15 kms au Sud d'Autun, en Bourgogne du Sud. Le village se nichait dans un vallon et était entouré par des pâturages qui s'élèvaient doucement jusqu'aux forêts, des troupeaux de moutons, de chèvres ou de belles charolaises blanches se mouvaient sur les pentes. On aperçevait une chaumière de ci de là avec un filet de fumée bleu-gris qui montait droit au-dessus de sa cheminée dans l'air pur et clair du Morvan. Un cadre d'une beauté incomparable.

Notre gîte faisait partie de la boulangerie d'un chateau démoli à la Révolution (on dit que Madame de Sévigné aurait séjourné là, faveur qu'elle a accordée à un grand nombre de chateaux en Bourgogne). Le salon, avec son plafond à quatre mètres et ses grosses poutres, comportait une cheminée très haute, très large, mais peu profonde, d'une construction qu'on retrouve souvent : manteau de pierre massive, soutenu de chaque côté par d'énormes corbeaux du même granit gris. Un fauteuil et plusieurs gros poufs entouraient une grande table basse. Il y avait plusieurs lampes parmi lesquelles certaines étaient de belles céramiques fabriquées par la propriétaire, Chantal DUNOYER. L'une des deux grandes fenêtres du salon offrait une vue splendide de la colline boisée qui s'élèvait doucement derrière la propriété. A côté du salon se trouvait une cuisine bien équipée d'appareils ménagers essentiels en bon état, assez de casseroles, poêles, ustensiles, couverts, plats, assiettes, nappes, serviettes de table.

Les trois chambres à l'étage étaient mansardées avec de grosses poutres apparentes qui créaient une atmosphère campagnarde, spacieuse. On y arrivait par un escalier en colimaçon, moderne, en métal, assez étroit, qui interdisait la visite aux amis qui auraient subi une opération de la hanche ou qui seraient moins agiles pour toute autre raison. Comme les toilettes étaient au rez-de-chaussée, il était prévu des pots de chambre pour la nuit. La salle de bains, à côté mais séparée des toilettes, comportait une douche et un lavabo et pouvait être chauffée instantanément les matins frisquets par un petit radiateur électrique Italien, d'une merveilleuse efficacité. Il y avait une quantité de serviettes de bain, mais les Français ne semblent pas croire beaucoup aux essuie-mains; les visiteurs doivent prévoir les leurs.

Notre gîte occupait la moitié de l'ancienne boulangerie, de l'autre côté habitait Madame Dunoyer, une hôtesse d'une gentillesse infinie. Elle nous a montré comment identifier un délicieux champignon sauvage, appelé "le petit rose" et nous a emmenés à la cueillette à travers les prés autour du gîte où nous en avons ramassé de pleins paniers. Elle nous donnait le persil de son jardin, d'immenses draps de bain et de précieux renseignements sur les sites à visiter qui auraient pu échapper à notre curiosité. Elle nous a présentés à deux de ses amies anglophones d'un village voisin, avec lesquelles nous avons passé de bons moments. Elle m'a aussi mis en contact avec une autre de ses amies, une merveilleuse sainte femme qui vit toute seule dans une maison au fond des bois et qui a accepté très gentiment de m'aider à me perfectionner en Français (bien que n'étant pas riche, elle n'a jamais voulu entendre parler d'être payée en retour). Au moindre problème, Madame Dunoyer était là tout de suite et, avec beaucoup de bonne humeur arrangeait tout. " Ne laissez pas tous les radiateurs à fond, si le chauffe-eau s'allume, ça disjoncte " Dit-elle. Nous avons eu quelques difficultés pour faire marcher le Godin. Alors, elle en a acheté un autre que des citadins malhabiles comme nous pouvaient faire fonctionner et l'installa elle-même !

Par bonheur, Madame Dunoyer aimait autant les animaux que nous. Comme il était agréable de voir Cartouche, son beau cheval brun et blanc et Caboche, son gentil petit âne gris, brouter paisiblement juste sous nos fenêtres et de leur donner des carottes et l'éternelle demi-baguette rassie de la veille (récemment, au téléphone, Madame Dunoyer m'a dit que sept agneaux les avaient rejoints). Les deux animaux étaient de fidèles amis et quand Cartouche, le vagabond réussissait à s'échapper du pré, tout de suite Caboche poussait de grands hi-hans à fendre le coeur pour se lamenter sur son abandon.

Il y avait surtout Charlotte, le border-colley noir et blanc de Chantal, dont nous étions tombés immédiatement amoureux. Son affection pour les gens ne connaissait pas de limites. Mais, elle nous accordait des faveurs spéciales. Non seulement, nous partions souvent en promenade avec elle, mais je faisais du jogging presque tous les matins, et, de partager ces sorties était sa plus grande joie. Lorsque de rares voitures descendaient la route, Charlotte se précipitait vers nous, et restait jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de danger. Comme c'est touchant, pensais-je, de venir se protéger vers nous. Mais, finalement, je me suis aperçu que, en tant que bonne gardienne de moutons, elle ne venait pas à nous pour se protéger, mais pour nous éloigner de la route, hors de danger. Si nous n'avions pas eu autant d'amitié pour Chantal, et si Charlotte n'avait pas une vie aussi idyllique, nous aurions surement essayé de la subtiliser.

Il n'y avait pas de magasin dans notre hameau. Alors nous faisions nos courses indispensables et le pressing ( bien qu'il y eut une petite machine à laver au gîte ) à Etang-sur-Arroux, un bourg à 5 kms, où nous trouvions également une banque et une poste. Pour des achats plus élaborés ( livres, pantalons de jogging, radio portative ), il y avait Autun à 15 kms.

Nous ne nous lassions jamais du trajet jusqu'à Autun, car la route sinueuse offrait une vue spectaculaire à chaque virage et puis, soudainement, à travers une percée dans les arbres, nous apercevions un panorama merveilleux de toute la cité, dominée par sa magnifique cathédrale Saint-Lazare du 12ème siècle.

Nous apprîmes que deux étrangers ne peuvent vivre longtemps dans la campagne française profonde sans que cela ne passe inaperçu. Par exemple, quand nous avons examiné la possibilité de louer un autre gîte dans le village pour des amis, la propriétaire fit des gestes avec les bras comme si elle courait et me dit : "Ah c'est vous qui faites du jogging chaque matin" , et quand, au bout de trois ou quatre semaines, nous sommes allés à la banque, seulement pour la deuxième fois, l'employé nous a dit : "Ah, oui, vous êtes les Américains qui habitez chez Madame Dunoyer. " La vie à la campagne est tranquille, sans évènement, pour ne pas dire monotone, alors la venue d'étrangers, surtout " d'ailleurs ", est quelque chose qui fait jaser.

L'attrait principal de la Bourgogne du Sud, à part sa gastronomie superbe et ses vins fameux, réside dans la beauté de ses paysages intacts et dans l'abondance de ses églises romanes. Il y en a des douzaines, parmi lesquelles la Cathédrale d'Autun, l'Eglise Abbatiale de St-Philibert de Tournus et le Sacré-Coeur de Paray-le-Monial, trois gloires de l'architecture française, et des petits bijoux tels que des églises de village comme Montceaux-l'Etoile, Anzy-le-Duc et Semur-en-Brionnais. Ce qui m'a le plus impressionné peut-être, ce sont les sculptures de Gislebertus sur le grand tympan et les chapiteaux dans la cathédrale d'Autun. Elles représentent, de façon si vivante l'horreur du péché, mais aussi, elles expriment dans chaque détail la grande compassion pour les créatures de l'univers divin. Par exemple, dans le mouvement joyeux de la patte avant de l'âne qui porte la Vierge et l'Enfant. En partant de notre gîte-base, nous avons passé de nombreuses agréables journées à nous promener, non seulement à visiter les grands monuments romans de la région, mais aussi à apprécier tout à loisir ses innombrables jolis villages, ses routes tranquilles de campagne et ses paysages éternellement beaux.

 

Traduction : Rob & Marie URIE-BIXEL
GEORGE PITCHER
la Montagne ;71320 CHARBONNAT
 
Chantal DUNOYER, Toulongeon, 71190 La Chapelle sous Uchon
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